Retour sur les Journées françaises de l’épilepsie

Retour sur les Journées françaises de l’épilepsie

Les 21es Journées françaises de l’épilepsie ont eu lieu du 16 au 19 octobre derniers à Lyon. Cet événement rassemble la communauté francophone des médecins, neurologues ou pédiatres, prenant en charge les patients avec épilepsie et permet de faire le point sur les dernières avancées en épilepsie.

Epilepsie et troubles cognitifs

Lors de ces sessions, les troubles cognitifs, et plus particulièrement les troubles de l’attention ont été mis en lumière, ces derniers apparaissant souvent avec l’épilepsie. Louis Maillard a précisé que chez 70% des patients épileptiques adultes, on détecte au moins un trouble cognitif. Le trouble de l’attention apparaît entre autres dans l’épilepsie généralisée idiopathique dont l’épilepsie myoclonique juvénile. Ce trouble est très présent chez les patients avec épilepsie rolandique. Par contre, on ne retrouve pas de différence notable entre les patients atteints d’épilepsie frontale et temporale comparé à des contrôles au niveau des troubles de l’attention. L’effet de certains antiépileptiques sur l’attention est connu. L’éducation thérapeutique est une bonne méthode pour contribuer à la prise en charge les troubles de l’attention : bien dormir, fractionner la lecture…
Il a été observé qu’il existe un lien entre les décharges interictales épileptiformes et les troubles cognitifs, ainsi qu’entre les pointes sommeil/veille et les troubles de l’attention. Le trouble de déficit de l’attention et hyperactivité (TDAH) typique est différent du TDAH des enfants épileptiques. Comme l’a souligné Stéphane Auvin, 30% des enfants avec une épilepsie débutante ont un TDAH dont la forme la plus fréquente est la forme inattentive et non hyperactive. Approximativement 50% des patients épileptiques voient leur TDAH amélioré lorsqu’ils sont traités par méthylphénidate. Ce médicament améliore la qualité de vie des enfants et adolescents avec épilepsie et TDAH, et comporte peu de risque d’aggravation, contrairement à ce qui est indiqué dans le résumé des caractéristiques du produit.
D’autres troubles cognitifs peuvent accompagner l’épilepsie, tels que des troubles du langage (15% des patients) ou des troubles praxiques (15% des patients) dans le cas des épilepsies à pointes centro-temporales. Certaines épilepsies, telle que l’encéphalopathie épileptique avec pointes-ondes continues du sommeil, sont même caractérisées par une régression cognitive. Dans ce cas, le pattern EEG n’est pas l’élément central.
Sophie Dupont a quant à elle rappelé que les déficits cognitifs transitoires peuvent être liés à des décharges épileptiques interictales mais peuvent également être dûs à d’autres facteurs, comme par exemple la dépression. Laurent Vercueil a quant à lui abordé le sujet de l’épilepsie chez le sujet âgé, précisant notamment qu’il existe un lien entre la maladie d’Alzheimer et l’épilepsie myoclonique sénile. Il a précisé que chez les sujets âgés ou cérébro-lésés, le valproate a un impact négatif, et que le valproate et le phénobarbital doivent être évités chez les personnes âgées, tandis que les bloqueurs des canaux sodiques sont probablement à privilégier.

Epilepsie : le patient acteur de sa maladie

Lors de ces journées, il a été rappelé à maintes reprises que le patient est acteur de sa maladie et qu’il doit se trouver au coeur de l’innovation. Les patients sont devenus des partenaires et sont acteurs de la sécurité des soins et de leur traitement, ce qui implique une prise de décision partagée avec le clinicien. Les patients peuvent être :
Experts : pour lui-même ou pour les autres, à la demande des soignants, des professionnels de santé ou d’associations ;
Informatifs : sur la fréquence des crises (quand ils en ont conscience) ou via des autoquestionnaires ;
Observants : les adolescents sont souvent de mauvais observants, une mauvaise observance peut faire croire à une fausse pharmacorésistance ;
Participatifs : 15% des patients français participent à des essais cliniques et 56% de la population générale serait prête à participer à des essais cliniques ;
Hyperconnectés : ils n’hésitent pas à rentrer des données sur eux dans des outils tels que PatientsLikeMe.

Epilepsies rares

Le syndrome de Dravet

Les épilepsies rares n’ont pas été mises de côté lors de ce colloque. Les futurs enjeux pour une approche globale du syndrome de Dravet ont par exemple été discutés lors d’un symposium, abordant des thèmes tels que l’impact socio-économique du syndrome de Dravet, l’évaluation des comorbidités, les traitements médicamenteux et la stratégie de soins et de prise en charge des patients. Il faut savoir que dans cette maladie, seuls 6% des enfants sont libres de crises sur les 6 derniers mois. Plus de 99% des enfants ont des troubles moteurs, du langage ou de l’apprentissage. Plus la fréquence des crises est élevée, plus il y a de comorbidités. Les troubles de l’apprentissage et l’autisme apparaissent dans la première phase de la maladie, il faut donc essayer d’avoir une identification précoce. 67% des enfants vont dans une école spécialisée et 25% dans une école normale. 80% des familles indiquent que le handicap de leur enfant a influencé leur choix de carrière. 65% des parents ont pris du temps sur leur travail ces 4 dernières semaines pour les besoins de leur enfant. Avec l’âge, des comorbidités et un ralentissement apparaissent. Le QI diminue, mais la sévérité de l’épilepsie initiale n’est pas corrélée au QI au cours de l’évolution. La mutation SCN1A est par contre liée à la diminution de la cognition. Les patients ont tendance à avoir moins de crises d’épilepsie en grandissant. Le stiripentol a permis de diminuer fortement la survenue d’état de mal épileptiques chez les jeunes enfants. Certains traitements peuvent être aggravants (comme la carbamazépine), augmentant le nombre de crises et impactant la cognition. Le cannabidiol diminue quant à lui de 40% les crises convulsives pour les patients ne répondant pas à d’autres traitements. Il peut avoir comme effets secondaires la somnolence, la perte d’appétit ou la diarrhée. La fenfluramine permet une diminution de 70% des crises convulsives chez les patients sans stiripentol. Le diagnostic s’effectue généralement entre 6 mois et 2 ans. Entre 2 et 5 ans, la maladie est plus bruyante avec des états de mal épileptiques et des crises prolongées. Entre 5 et 15 ans, la maladie est moins parlante sur le plan de l’épilepsie et les convulsions peuvent diminuer. Les adolescents et adultes ont des crises moins fréquentes et plus souvent des crises tonico-cloniques nocturnes.

L’éducation thérapeutique dans le cas du syndrome de West

Lors de ces journées, l’importance de l’éducation thérapeutique et des infirmiers spécialisés a également été soulignée. La problématique de la prise en charge de l’épilepsie en France a été soulevée. Il faut avancer dans les prises en charge des patients avec un rôle important des infirmiers de pratique avancée afin qu’ils aient plus d’autonomie, une perspective de carrière et un suivi du patient plus régulier. La Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et le Collectif Epilepsie souhaitent revaloriser la rémunération des électroencéphalogrammes (EEG) et examens vidéo-EEG, avec notamment la rédaction de recommandations par la Haute autorité de santé (HAS), l’expérimentation de la réalisation d’EEG par des infirmiers formés sur 2 ou 3 territoires et une meilleure réponse aux besoins des patients. L’objectif de ces infirmiers spécialisés est d’améliorer la coordination médecin-neurologue, de favoriser l’investissement des neurologues dans la prise en charge et d’améliorer la réponse aux besoins non satisfaits en structures médico-sociales.

Notre équipe de Robert-Debré a présenté son projet d’éducation thérapeutique sur le syndrome de West. Nous avons environ une quinzaine de nouveaux patients par an. Nous avons déjà organisé une journée avec 6 soignants (2 médecins, 2 psychologues, 2 infirmières de coordination) et 5 familles ayant un enfant âgé de 2 à 7 ans atteint du syndrome de West et suivi à l’hôpital Robert-Debré. Une assistante sociale, la cadre de santé et la chef de projet du Centre de référence épilepsies rares étaient également présentes. Il est ressorti de cette réunion que l’annonce du diagnostic est toujours très violente et qu’il faut faire cette annonce dans de bonnes conditions et en présence des deux parents. A l’hôpital Robert-Debré, les parents estiment que l’équipe para-médicale reste toujours disponible mais que l’hôpital reste bruyant et que la « grande visite » des médecins et des internes peut être traumatisante. Les parents ont conseillé à l’équipe de réaliser un organigramme du service et que les soignants soient présentés de façon claire afin qu’ils puissent s’y retrouver. Ils ont témoigné de la difficulté du retour à la maison après l’annonce du diagnostic et du sentiment de solitude engendré. Des difficultés financières apparaissent souvent et un déséquilibre se crée avec la reste de la fratrie. Un psychologue et une assistante sociale devraient se présenter dès les premiers jours suite à l’annonce du diagnostic et rester disponibles. Des conseils devraient être fournis pour stimuler l’enfant avant son entrée en Centre d’action médico-sociale précoce (CAMSP). Suite à cette réunion, il a été décidé de créer un programme d’éducation thérapeutique (ETP) dédié au syndrome de West, d’élaborer un support pour les prises en charge sociales, de produire un carnet de suivi individualisé et de former des parents référents à l’ETP. Un ABCDaire de l’annonce diagnostique a déjà été réalisé et un Café des parents sera organisé sous peu.

La sclérose tubéreuse de Bourneville

La sclérose tubéreuse de Bourneville (STB) fait également partie des maladies rares qui ont été exposées durant ce congrès. Le rôle de la neurobiologie de la voie mTOR dans l’épileptogenèse a été discuté. Les anomalies structurales que sont les tubers n’expliquent pas à elles seules les anomalies de l’épileptogenèse. Dans une étude avec évaluation préchirurgicale par plaque, les crises débutent uniquement au niveau des tubers chez 57% des patients alors que chez approximativement 30% des patients, elles ont lieu au niveau des tubers et du cortex péritubéral. Les patients peuvent être traités par évérolimus, un inhibiteur de la voie mTOR : une dose faible permet à 28% des patients de voir diminuer d’au moins 50% la fréquence de leurs crises, et une dose élevée permet à 40% des patients de voir cette diminution. L’évérolimus a souvent pour effets secondaires une stomatite ou des ulcères buccaux. Ces effets secondaires sont aisément gérables.

Gliomes et voie mTOR

Les gliomes ont également été discutés lors de ces journées. Il a été montré que l’inhibition de la voie mTOR diminue la croissance des gliomes mais n’a malheureusement aucun impact sur la survie. Des études thérapeutiques sont en cours, portant par exemple sur le blocage de la pannexin-1, chez la souris et dans des tissus cellulaires.

Chirurgie et épilepsies rares

Les Centres de référence des épilepsies rares ont également eu leurs sessions qui ont portées sur la prise en charge chirurgicale des malformations corticales du développement telles que les dysplasies corticales focales (DFC) ou la STB. Il a ainsi été établi que pour certaines DFC de type 2, une exploration non invasive (IRM, MEG, PET-SCAN) suffit avant la réalisation d’une chirurgie. La S-EEG (stéréo-électroencéphalographie) ou la mise en place d’électrodes intracérébrales reste cependant nécessaire dans le cadre d’un bilan pré-opératoire pour des DFC de type 1, 10 à 20% des DFC de type 2 et des DFC de type 3. Une S-EEG est nécessaire lorsque la DFC est proche d’un cortex fonctionnel ou que les données électrocliniques sont incohérentes quant à la localisation de la lésion. Dans le cas de la STB, il est maintenant recommandé de faire un bilan préchirurgical dès l’échec de 2 antiépileptiques, mais cela reste peu appliqué. La chirurgie des STB a un bon pronostic lorsque l’EEG et l’IRM (imagerie par résonance magnétique) sont concordants, que l’EEG ictal est unifocal, que les crises ont débuté après 1 an et s’il s’agit d’une lobectomie. Les spasmes infantiles ont un mauvais pronostic en terme de cognition, mais ils ne devraient pas être considérés comme une contrindication à la chirurgie. La mutation TSC2 qui implique un phénotype plus sévère n’est pas non plus une contrindication à la chirurgie, malgré le début plus précoce des crises. S’il existe une concordance électroclinique entre l’EEG et l’IRM, une chirurgie directe est possible. S’il n’existe pas de concordance, il faudra réaliser un bilan préopératoire, invasif ou non. Il est plutôt conseillé d’élargir le geste chirurgical. La chirurgie reste malheureusement sous-utilisée dans le cas de la STB.

La transition enfant-adulte en épilepsie

La transition enfant-adulte a été traitée par le professeur Rima Nabbout. Elle a par exemple cité La Suite, un lieu qui aide les adolescents à préparer leur transfert en médecine adulte et à être autonome, créé à l’hôpital Necker – Enfants malades. JUMP, un programme de transition enfants-adultes pour les adolescents suivis pour une maladie neurologique chronique a également été cité. A l’heure actuelle, on ne sait pas encore comment mesurer la réussite de la transition (en ne perdant pas de vue les patients ? en mesurant le taux de mort subite et inexpliquée en épilepsie (SUDEP) ?).

La télémédecine et l’épilepsie

L’approche innovante mais désormais incontournable de la télémédecine a aussi été abordée. Ces actes médicaux réalisés à distance doivent être formalisés et traçables, et doivent permettre de créer des liens entre les professionnels de santé et les patients. La télémédecine est intéressante pour les personnes vivant dans des zones géographiques peu accessibles ou dans des déserts médicaux. Sur 69 centres français interrogés, 61% sont membres d’un réseau de télé-EEG, mais des procédures écrites doivent être réalisées car il n’existe pas d’uniformisation pour le télé-EEG.

Les associations d’épilepsie

Les associations d’épilepsie ont également eu droit à leur journée pendant ce colloque. Elles essaient notamment d’obtenir un plan national ou une stratégie globale nationale pour les épilepsies en France, afin par exemple de repérer les situations de handicap liées à l’épilepsie et de préciser leur prise en charge. Dans ce but, une pétition a été mise en ligne à l’adresse suivante : http://www.change.org/p/mobilisation-pour-un-plan-national-epilepsie

Conclusion

En conclusion, ces 21es journées françaises de l’épilepsie ont été riches en informations et ont permis de visualiser le panorama des actualités dans des domaines aussi variés que le milieu associatif, la chirurgie des malformations corticales, les épilepsies rares ou la prise en charge du patient. L’importance de la télémédecine et la place centrale du patient ont été soulignées. Le rôle majeur des infirmiers de pratique avancée et de l’éducation thérapeutique ont aussi été rappelés.

 

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