Retour sur le colloque ‘Maladies rares – Agir « collectif » sur des enjeux communs’

Retour sur le colloque ‘Maladies rares – Agir « collectif » sur des enjeux communs’

Le 10 octobre dernier a eu lieu à Paris le colloque ‘Maladies rares – Agir « collectif » sur des enjeux communs’ organisé par Pharmaceutiques.

Trois grands axes ont été abordés.

Le premier sujet a traité de l’errance diagnostique. Aujourd’hui, encore plus de 25% des personnes touchées par une maladie rare attendent leur diagnostic 5 ans ou plus. La moitié des patients atteints de maladies rares n’ont pas de diagnostic précis et un quart des malades ont consulté au moins 5 médecins avant d’avoir un diagnostic. De plus, il existe à l’heure actuelle encore beaucoup d’inégalités d’accès au diagnostic sur le territoire.

Le 3e Plan national maladies rares (PNMR3) veut réduire l’errance diagnostique à un an. Les différents leviers pour atteindre cet objectif ambitieux sont :
Le développement du dépistage néonatal : aujourd’hui seules 5 maladies sont dépistées de manière néonatale en France. La loi de bioéthique actuellement en cours d’élaboration vise à augmenter le nombre de maladies dépistées, la France accusant un grand retard comparée aux pays voisins ;
Le développement des dossiers médicaux partagés, ceci afin d’avoir une vision à 360° des maladies rares ;
L’application du Plan France médecine génomique 2025 qui a pour but de permettre l’utilisation du séquençage du génome entier dans la pratique clinique ;
La formation des professionnels de santé aux maladies rares, et particulièrement les médecins de ville ;
La mise en place d’un suivi ou registre interopérable pour les patients en « impasse diagnostique » pour lesquels les connaissances actuelles ne permettent pas d’établir un diagnostic ;
La structuration et la cartographie de l’expertise existante afin de la faire connaître ;
Le lancement de l’Observatoire diagnostique auquel les Filières de santé maladies rares contribueront ;
La documentation de l’errance diagnostique et des erreurs de diagnostic pour les diminuer ;
L’utilisation d’intelligence artificielle et d’algorithmes utilisant au mieux les ressources des bases de données pour diminuer l’errance diagnostique.

Dans ce cadre, Sanofi Genzyme a pris l’initiative de réunir 23 acteurs français au sein d’une démarche collective visant à développer de nouvelles solutions en lien avec les technologies numériques afin d’identifier les difficultés dans les parcours de soins pour le diagnostic et en quoi l’e-santé pourrait aider. Des associations de malades, l’Institut national de recherche dédié au numérique, des médecins experts en maladies rares et des start-up partageront leurs expertises.

Le deuxième sujet abordé lors de cette conférence a porté sur les données et les registres. En France, les bases de données sont nombreuses, mais seule une dizaine de registres a été labellisée, faute de pilotage national et de financement pérenne. Le PNMR3 va financer pour 4 ans de nouveaux entrepôts de données interopérables. Pour les industriels engagés dans les maladies rares, connaître l’histoire naturelle d’une maladie, savoir où trouver les patients, s’assurer du bénéfice d’un produit pharmaceutique en vie réelle, sont des facteurs clés. La structuration de ces données afin qu’elles puissent prendre part aux Réseaux européens de référence et la pérennisation des registres sont fondamentaux.

Une base de données se définit par des informations collectées de manière organisée pour faire des études. Dans un registre, un patient n’est vu qu’une seule fois, tandis que dans une cohorte, les patients sont vus dans le temps. Les cohortes sont nécessaires pour avoir une masse critique et faire une étude. Les registres couvrent une zone géographique précise. En France, les registres doivent être exhaustifs. Dans le domaine des maladies rares, toutes les bases de données ont de la valeur. Il existe actuellement en France 220 registres maladies rares. Les données des Centres de référence peuvent s’avérer très intéressantes : on peut citer la firme pharmaceutique américaine de biotechnologie Alnylam qui a établi un partenariat avec un Centre de référence français sur l’amylose héréditaire et a mis au point des médicaments pour contrôler et réduire l’expression du gène de la transthyrétine. La richesse des données françaises, de par le métissage de sa population, peut montrer l’hétérogénéité d’une maladie et attirer les industriels.

A l’heure actuelle, les patients peuvent aider à la construction des bases de données en précisant par exemple ce qui complique le plus leur vie. Il faut inclure les données sur la qualité de vie. Une question éthique se pose concernant les groupes placébos lorsque l’on souhaite réaliser une étude sur une maladie où les patients décèdent très jeunes. L’histoire naturelle pourrait faire éviter cette utilisation de placébos. Mais les médecins n’ont pas le temps de remplir des bases de données, par contre les parents de patients ou les patients eux-mêmes oui. Le Pr Jean-Louis Mandel a créé un QCM de 40 questions portant sur le déficit intellectuel, avec ou sans épilepsie et avec ou sans autisme. 600 patients y ont répondu (30% de français, 30% d’américains, 15% d’anglais et 10% d’hollandais). Ils ont ainsi remarqué que chez les patients atteints de déficit intellectuel avec épilepsie, les traitements par KEPRA ou DEPAKINE étaient ceux qui entraînaient le plus d’effets indésirables. Les familles sont demandeuses et répondent rapidement. Les auto-questionnaires et les objets connectés sont les nouveaux outils permettant de collecter des données.

Aujourd’hui, les données se doivent d’être intér-opérables. Il ne pourra exister une plateforme unique de stockage de données, mais il faut s’assurer que toutes les bases de données soient capables de parler le même langage.

Les registres sont un domaine sinistré au niveau des financements qui sont généralement courts, pourtant, ils sont fondamentaux. Il existe des cimetières de données qui n’ont pas pu être exploités, faute d’argent. Ségolène Aymé a donc suggéré de créer un fonds de financement commun sur appel d’offres qui pourrait être géré par la Fondation maladies rares, par exemple. Les pouvoirs publics devraient y contribuer financièrement (quelques registres français sont déjà financés par l’Inserm et l’INCa). La Haute autorité de santé (HAS), les industriels et les associations (à hauteur de leurs moyens) devraient également y contribuer. Lors du colloque, la Fondation maladies rares a répondu que s’il y avait un apport de financement pour qu’ils puissent réaliser cette action, ils seraient d’accord de gérer ce fonds. Il faudrait également que le niveau de preuve des études réalisées sur registre ait plus de valeur pour intéresser les investisseurs.

Le dernier sujet abordé lors de cette journée avait pour intitulé « Accélérer l’innovation et garantir l’accès ».

Le PNMR3 prévoit la création d’un groupe de coordination de l’innovation, multi-parties prenantes, dont l’une des missions sera d’accompagner l’accès au marché de l’innovation pour les maladies rares. L’escalade des prix des médicaments orphelins et thérapies innovantes (comme la thérapie génique) pose la question de la pérennité du système actuel. La France est un pays innovant qui permet l’accès précoce à des médicaments via des ATU (autorisations temporaires d’utilisation), mais ces dernières pourraient bien être menacées. Les médicaments pour les maladies rares ont des faibles niveaux de preuve à cause de la rareté de la maladie : ce n’est pas le produit qui n’est pas efficace mais les données qui sont rares. Ces incertitudes entraînent des excès de prix. Et il n’existe pas d’outils pour évaluer ces incertitudes. L’impact budgétaire et l’efficience doivent être pris en compte, mais l’impact sociétal également. Par exemple, la thérapie génique peut transformer une maladie qui engage le pronostic vital en une maladie chronique. Le coût des produits devrait fixer leur prix pour ne pas sélectionner des patients quant à l’accès aux traitements. En France, certains patients risquent de devoir être « sacrifiés » afin que les industriels se rendent comptent que cette escalade de prix ne peut pas continuer.

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